I want to be quiet (Aïko)

Aïko ne se sentait pas du tout dans son état normal contrairement aux deux autres. Son cœur battait à tout rompre, c’était avec difficulté qu’elle arrivait à tenir un résonnement jusqu’au bout tellement l’affolement de son cœur la perturbait. Je dois me contrôler, se répétait-elle pour la énième fois. Je dois me calmer sinon je vais vraiment perdre…

« Petite Aïko… »

La jeune fille releva la tête à cet appel. Ses grands yeux noirs dévisageaient Sayuri avec un mélange de dégoût de peur. Oui, cette fille lui faisait peur. Elle lui inspirait une crainte et un sentiment de dégoût bien supérieur à ce qu’elle n’avait jamais ressenti auparavant.

« Si douce, si fragile.. »

Comment peut-elle le savoir ? Se demanda rageusement Aïko tout en la regardant s’approcher d’elle.
Des tremblements commencèrent à s’emparer d’elle pour sa plus grande exaspérations. Elle se haïssait d’être aussi faible.
Aïko trouvait que les propos suivants de Sayuri étaient bien plats, sans profondeur. Elle la jugeait sans la connaître. Elle trouva même qu’elle n’avait rien d’un ange. Un ange, c’est beau et c’est pur. Un ange sait comment veiller sur les gens. Tout ce qu’elle n’était pas, tout ce qu’elle ne savait pas en gros.
Lorsque l’autre fille commença à lui caresser la joue elle voulut tout de suite la repousser, mais son cerveau ne répondait déjà plus. Il n’attendait que ses prochaines paroles détestables.

« Je vais te laisser ton chéri puisque tu y tiens à ce point. Dès qu’il m’aura satisfaite une dernière fois je vous laisserais en amoureux mais uniquement après ça. En attendant tu fais comme il te l‘a demandé: tu la fermes et restes à l‘écart à moins que tu aies des tendances au voyeurisme ou qu‘un plan à trois te tente …»

Ces paroles la figèrent sur place. Bien sûr elle naissait déjà les intentions de Sayuri mais les entendre dire aussi froidement… C’était bien trop dur.
Aïko aurait voulut faire mal à cette fille. Elle aurait voulu lui dire que Kairi était loin d’être un homme méritant l’appellation de « son chéri », qu’elle jamais elle ne pourrait supporter de les voir se donner du plaisir ensemble, ce serait bien trop horrible, bien trop cruel pour elle !
Sayuri ne lui laissait pas le choix, Kairi non plus.
A peine lui avait-elle annoncé avec fierté ses intentions que déjà ils s’embrassaient devant ses yeux.
Aïko détourna immédiatement le tête. Son cœur s’emballait encore, d’une autre façon cette fois. Elle avait réellement peur, une peur panique de devoir quitter cette cabane. La seule idée de devoir courir seule dans cette forêt lui provoquait des sueurs froides.
Aïko secoua plusieurs fois sa tête de gauche à droite.
En levant sa tête vers le couple enlacé, Aïko n’et plus aucun doute.
Elle n’avait vraiment pas le choix. C’est alors qu’elle remarqua l’arme de Kairi tomber à terre. Aïko fut choquée de voir qu’il ne se méfiait pas plus que ça de cette pure arriviste ! Alors qu’après tout ce temps Kairi s’adressait à elle avec des mots froids et calculés.
Les dents de la jeune fille vinrent se serrer les unes aux autres. Elle serra ses poings autour du tissu de sa jupe.
C’était beaucoup trop dur à supporter. Comment pouvait-elle se faire abandonner de manière aussi ingrate, tout cela à cause de cette fille légère ? Mais pourquoi maintenant ? Ne valait-elle pas plus que cela alors ? Même en tant qu’être humain, on ne se souciait pas le moins du monde de cette pauvre lycéenne… Cette stupide lycéenne, cette médiocre fille qui avait essayé en vain de s’accrocher à quelque chose en ce bas monde. Est-ce que le monde était aussi cruel avec tout le monde ou juste avec elle ? Pourquoi s’acharnait-on sur son cas déjà désespéré ?

Aïko se mit debout de manière très droite et lâcha un soupir à fendre l’âme.
Elle mit ses deux sacs sur son dos et adressa une dernière parole à Kairi encore occupé :

« Je te laisse en paix, c’est entendu. Fait ce que tu as à faire et adieu. »

*Adieu parce que la prochaine fois que tu me verras, je ne serait certainement plus de ce monde…*

Sayuri savoura avec délice cette cruelle victoire personnelle. Sans la moindre hésitation Kairi avait répondu à ses avances, allant même jusqu’à peut-être se désarmer en vue du petit bruit caractéristique d’un objet qui percute le sol qu’elle entendit. Il avait fait ça sans même savoir ce que ce jeu de massacre lui avait offert comme instrument, sans même s‘être renseigné au préalable sur ses intentions plus profondes... Elle jubilait presque, se plongeait corps et âme dans ce sentiment de pouvoir que conférait la confiance aveugle d‘une autre personne, même momentanée et éphémère. La lycéenne avait ce qu’elle voulait: un homme pour elle toute seule avec qui elle pouvait se divertir sans crainte malgré un contexte des plus défavorable. Oh bien sûr elle avait été contrainte de faire le ménage avant d’en arriver là. Ainsi elle avait évincé sans la moindre pitié Aïko, usant de tous les moyens pour y parvenir: ultimatum, intimidation, remarques blessantes, exhibitionnisme…Après tout ne disait-on pas que « la fin justifie les moyens » ? La jeune femme n’éprouvait à vrai dire initialement aucun ressentiment à l’égard de celle qu’elle nommait « la fillette aux cheveux décolorée ». Cependant cet état d’esprit ne se trouvait pas être réciproque. Or sur une telle île une présence hostile de cette nature n’était pas tolérable, son futur départ n’allait que matérialiser la seule issue pacifique possible. Dans son esprit tout était clair, elle n’avait en aucun cas à se morfondre, ses raisons étaient légitimes, ce n’était que de la faute de l’autre qui ne savait pas digérer un échec amoureux et tourner la page. C’était trop facile de tout lui mettre sur le dos et de la faire passer pour la méchante de service, elle n’allait pas rester passive face à ça tout de même ! Des excuses à n’en plus finir et des justifications sans fin à ses actes immoraux… tels étaient les rituels quotidiens de Sayuri qui lui permettaient de se regarder encore avec fierté dans un miroir et de marcher la tête haute dans la rue. Néanmoins une infime partie de son âme était lassée de tous ces jeux, de toutes ces manipulations, déchirée par la brutalité verbale et la désinvolture avec laquelle elle avait brisé les espoirs d’Aïko avec Kairi. Maintes et maintes fois elle avait assisté à des scènes similaires avec des yeux horrifiés. La japonaise s’était alors faite la promesse de ne jamais être une de ces victimes, résignée elle s’était dite que le rôle de bourreau était préférable. Pour chasser ses démons elle était devenue un des montres qu’elle craignait tant il y a quelques années… Sentant sa conscience prendre le dessus, elle se ressaisit et lança entre deux baisers un regard en biais à celle qui passait à présent - comble de l’ironie - pour « l‘intruse ».

* Quoi elle est encore là celle-la ?! *

Agacée, au bord de l’exaspération devant la ténacité de la petite Tsukiyama, elle se demandait jusqu’où elle devrait aller pour la faire déguerpir au moment où elle entendit un soupir exagéré suivit de l’annonce officielle de son départ. Ce n’était pas trop tôt ! Néanmoins le ton était un peu trop mélodramatique aux yeux de la jeune femme, il ne prendrait pas sur Kairi, c’était certain. De mauvaises pensées traversèrent fugitivement son esprit mais elle ne retint que celle de l’ignorer royalement, comme toujours. Lentement elle fit glisser la veste de son uniforme de manière à ce qu’elle soit finalement roulée en boule, son arme au milieu et son identité encore secrète. Sayuri déposa le vêtement à portée de main à sa droite, « au cas où », avant d‘ouvrir en grand sa propre chemise d‘un geste sec. De son habituelle voix ronronnante elle demanda ensuite à son amant si ce qu’il voyait lui plaisait. Avec assurance elle supposait qu’il y aurait là de quoi l’occuper un petit moment et le désintéresser complètement du sort de son ancienne petite amie. Cette arrogante assurance était peut-être la chose qui causerait sa déchéance dans les prochains jours malgré sa vigilance constante mais c’était en même temps sa force. Négliger Aïko et faire comme si elle n’était pas là s’avérerait éventuellement être une grande erreur. C’était une personne qu’elle trouvait instable, elle pourrait très bien lui sauter dessus dans la seconde pour attenter à vie, non ?

* Tsss je ne vais certainement pas trembler de peur devant cette peste qui empeste la droiture… *

Indifférente Sayuri poursuivit son affaire, murmurant des mots doux à l’oreille du beau japonais et l’embrassant de manière toujours plus sulfureuse. Néanmoins elle tiqua en sentant encore la présence de « l’autre ». Avec mépris elle lui fit signe de partir d’un geste négligent de la main, sur ses gardes cependant dans l’éventualité que ce soit la goutte de trop. Enfin elle se doutait que cela ne servirait à rien, elle devait probablement attendre une réponse de Kairi. Intérieurement la jeune femme sourit, ses tentatives désespérées pour le reconquérir, tout, absolument tout ce qu’elle ferait reviendrait à des coups d’épée dans l’eau, elle en avait la conviction…

[Désolée pour le retard > <']

Il ne s'était pas vraiment battu pour avoir Sayuri, comme d'habitude d'ailleurs. Selon une vieille expression qu'il avait plusieurs fois entendue, il n'avait eu qu'à rester la bouche ouverte et tout était tombé. Enfin, pas vraiment ce qu'il voulait mais au moins il avait une femme entre ses bras et un matelas dans un coin de la cabane perchée. Que pouvait-il vouloir de plus ? Rien...
Ah si, déjà ne pas être sur cette île, avoir quelques bouteilles d'alcool à portée de main et surtout qu'Aïko s'en aille. Pas qu'elle soit dérangeante, mais sa présence commençait à agaçer le garçon. Il n'avait jamais eu de tendances exhibitionnistes et elle semblait vouloir rester là pour un bon moment. Il avait nénamoins l'impression que Sayuri l'avait menacée.
Pourtant, chaque attention de la lycéenne emplissait son cerveau d'une brume légére car il aimait cela. Il ne désirait pas l'âme ou le coeur de la jeune demoiselle, seulement ce corps qui semblait flotter devant ses yeux sombres, magnifiques et si facilement atteignable. Il lui suffisait alors d'embrasser la magnifique jeune fille pour se sentir ragaillardi.
Quand il était enfant, il avait un jour lu un manga qui s'appellait Ranma 1/2. Avant la mort de sa mère, il adorait se passionner pour toutes ces choses sans intêret à présent pour lui. Et dans ce manga, il y avait un vieil homme, non que Kairi soit aussi laid que lui, mais ce personnage inventé avait un faible particulier : les femmes et s'il n'en voyait pas il se sentait tout faible. Il avait besoin de les touches pour redevenir "vivant". Même si ce n'était pas vraiment à son avantage, le séduisant lycéen avait parfois l'impression de ressembler à ce personnage de ses souvenirs, en beaucoup plus magnifique au contraire.
Et dans ces moments, sa fierté habituel et indétournable passait derrière. Comme à cet instant précis où dans la cabane il partageait un instant avec la jeune fille.
Il avait conscience qu'à présent elle pouvait le tuer, étant donné qu'il avait abandonnée son arme mais il savait qu'elle avait aussi une fierté et que, éventuellement, elle ne toucherait pas à un homme désarmé. Si au moins elle le tenait en estime...
Lorsqu'elle déboutonna son chemisier pour lui faire admirer sa poitrine dévelloppée, il ne pu s'empêcher de s'accorder un soupir de satisfaction, gardant en apparence un air neutre. Si elle le voyait jubiler rien qu'à la vue d'un buste féminin, il ne manquerait pas de descendre dans son estime personnel. Et il n'y tenait pas. Il voulait, il devait, rester supérieur, le plus beau, le plus merveilleux des hommes, mais aussi le plus intouchable... C'est pourquoi il se contenta d'un mince sourire en coin.
Il la réembrassa avec passion lorsque soudain Aïko annonça qu'elle partait, s'adressant surtout à lui. Il quitta un instant le visage de Sayuri, laissant ses mains se reposer sur les hanches pleines, se tournant vers la lolita. Il prit une expression encore plus désabusée, effaçant son sourire. Maintenant, l'exaspération s'était transformée en une irritation plus que palpable. Plus il la regardait, plus il sentait son coeur se gonfler d'agaçement. D'un côté, il savait que si elle partait et qu'elle ne trouvait personne, elle courait vers une mort certaine. Il ne manquera jamais de psychopates pour faire le sale travail mais d'un côté, s'avoua-t-il, c'était peut-être même beaucoup mieux qu'elle parte. Il haussa les épaule à sa déclaration :

" Soit... Bon courage Aïko..."

Il la congédiait aussi facilement que si elle avait été sa servante, mais le comportement de la lolita s'en rapprochait aprés tout, aussi faible qu'elle était. C'était peut-être une raison pour baisser sa garde...
Kairi revint à sa séduisante partenaire, avec l'impression que parfois il était sa proie mais que souvent les rôles s'interchangeaient. Il l'embrassa à nouveau, oubliant presque la présence discréte de la lolita. Non, même s'il en avait douté à une époque lointaine, il n'avait pas pu l'aimer car aprés tout, n'était-il pas l'homme intouchable et cruel, qui aime faire pleurer les femmes ? Il préférait de loin ce rôle à celui du prince charmant. Il y a une bonne poire dans chaque situation et malheureusement cette part-là s'était échouée sur Aïko.
Avec son dédain habituel, il effaça complétement la marque de sa présence dans la cabane, l'ignorant tout simplement, ne se rendant pas compte qu'il adoptait le même comportement que la lycéenne qu'il tenait entre ses bras.
Il se joignit lentement à elle, mêlant leurs lèvres. Ses scrupules s'étaient tant de fois dissimulées dans sa personnalité et il était toujours là, bien vivant, c'est que son comportement n'était pas si mauvais que ça aprés tout. Briévement, il se refit une liste mentale des autres "proies" qu'il avait dans la classe, s'il devait quitter Sayuri sans avoir coucher avec elle. Car c'est pour cela qu'elle était venue, n'est-ce pas ?
Kairi ne doutait pas de son charme viril et masculin, jamais un instant il n'avait pensé le contraire. Dans les éléves de l'autre classe, il en avait aperçue des qui ne mériteraient pas de vivre, rien qu'à cause de leur apparence tordue. Un garçon qui paraissait trés effeminé, et tout du même genre, cela n'avait pas le droit d'exister. Mais peut-être qu'il y avait des bonnes filles dans cette classe de merdeux...
Peu à peu, ses membres se réchauffaient, malgré la fraîcheur de la nuit. Mais peut-être était-ce grâce à cette présence féminine contre lui. Néanmons, Kairi se sentait moins nerveux qu'en face d'Aïko. Ce n'était pourtant pas une raison de faire confiance à Sayuri. Avec elle encore moins, il tenterait de s'endormir. Elle était imprévisible et meurtrière il s'en rendait compte et ce n'était sûrement pas un bon choix de l'avoir à ses côtés. Mais elle devait penser la même chose de lui.
Alors qu'il quittait ses lèvres poser les siennes sur le cou blanc qui s'offrait à lui, le séduisant lycéen esquissa un sourire hautain et amusé.
On n'est jamais assez méfiant dans la vie aprés tout...